Construire une intrigue en partant de simples vers de terre est l'entreprise originale à laquelle s'est attelé Gaspard Kœnig. Kevin, issu d'une famille modeste originaire du Limousin, et Arthur bien né dans la bourgeoisie parisienne sont amis de promotion à Agritech Paris. Ils assistent au début de leurs études à une conférence sur les vers de terre, base de toute vie sur notre planète. Diplôme en poche, tout deux sans être des décrocheurs, choisissent des projets professionnels loin de leur semblables incluant les fameux vers de terre.
Kevin gravit les échelons sans trop se poser de question. A la fin de ses études d’agronomie, il conçoit des lombricomposteurs avec de petits conteneurs individuels assez simples pour recycler les déchets à l’échelle du foyer individuel. Dès le début, il se heurte à la caste pour son financement (banques, BPI...), son projet étant jugé pas assez innovant, peu ragoûtant, peut-être à améliorer avec une application 'smart friendly'... Il enchaînera sur une année d'études complémentaires à HEC, où il rencontrera les bonnes personnes pour faire décoller son projet, monter une start-up, trouver les financements et créer une structure de plusieurs millions de dollars.
Arthur, quant à lui a l’âme plus philosophe. Il reprend la ferme de son grand-père dont les parcelles ont été épuisées par des années d'agriculture intensive et choisit de faire une thèse sur la régénération du sol en comptant un à un les vers de terre.
Arthur et Kevin vont au fil des années connaître échecs et réussites, chacun poussant toujours plus loin son projet jusqu'à atteindre des extrêmes.
Ce livre aborde avec justesse de nombreux thèmes : déconnexion avec la réalité voulue par l'élite parisienne n'ayant jamais vu un vers de terre (politiques, capitalisme de connivence, startup nation, licornes et bullshit), la vie en secteur rural bousculée par l'arrivée d'une population nouvelle avec de petits conflits avec les natifs ou à l'application d'une loi d'Absurdistan, radicalisation de certains mouvements écologistes, difficultés à nouer une relation amoureuse dans un monde où l’on ne sait plus si on est homme ou femme, ou aucun de cela... Ne prenant pas partie, Gaspard Kœnig a construit un livre d'une grande justesse sur les sentiments humains, avec au fil des pages de nombreux rebondissements : un livre tout simplement génial.
La ferme des Bertranges située au nord de Cahors dans le Lot à proximité de l'A20 tient lieu de décors. Vit ici une famille, un couple d'agriculteurs et leur quatre enfants. Alexandre se destine à reprendre l'exploitation, alors que Vanessa Caroline et Aghate rêvent de vivre en ville.
Ces deux romans ont pour point de départ un événement exceptionnel : la tempête de 1999 pour le premier, qui aura pour conséquence d'anéantir les investissements réalisés pour agrandir la ferme, et la crise du covid pour le second, qui va pousser les filles étant dans la cinquantaine à quitter la ville pour se réfugier dans la ferme de leurs parents.
Au travers de ces personnages sont abordés les sujets de société propre à chaque époque : la secheresse de 1976, la lutte du Larzac, la construction de l'A20 qui va avoir un impact direct sur la ferme, la construction de la centrale nucléaire de Golfech, la mondialisation, la désertification des territoires ruraux, les gilets jaunes, la gestion du covid, l'écart de la vie en ville avec celle des campagnes, incompréhension intergénérationnelle... C'est avec talent que Serge Joncour donne vie à des personnages dont les points de vue peuvent être antinomique fonction du vécu de chacun.
Ces deux romans sont une peinture faite de couleurs douces de la société française ayant pour arrière plan les causses.
Christian Authier nous parle ici du naufrage de ce paquebot appelé PTT, puis plus tard La Poste. Lui même enfant de facteurs, il a eu l'occasion dans sa jeunesse de travailler dans un centre de tri pendant l'été.
De Jean Mermoz à Philippe Wahl, l'auteur nous raconte des romains à nos jours cette formidable épopée du courrier, jusqu'à sa liquidation proche avec l'arrêt du timbre rouge en 2023.
Dans la France de demain (environ), Mao est jeune retraité blanc né vers la fin du XXème siècle. Légèrement inadapté à une société qui aurait changé trop vite, il se retrouve accusé de harcèlement sexuel par une mystérieuse @Barbarella sur les réseaux sociaux. Mao pourrait être n'importe quel homme blanc né avant 1990, pas nécessairement réac ou macho, et la société française telle que vantée par Léa Salamé dans les médias d'état : une France woke adepte de la cancel culture, majoritairement végétalienne, qui ne se déplace pratiquement plus qu'à vélo dans des villes 15 minutes, et surtout qui trie ses déchets sous peine d'amende! Le camp du bien a gagné, créant une sorte de dictature grise où la culpabilité est de mise à chaque carrefour, et où l'on peut dénoncer n'importe qui comme à la bonne époque de Vichy.
Benoît Duteurtre nous invite à être vigilant sur les dérives dans laquelle le monde occidental s'enfonce, et ce avec talent et humour noir!
En pleine polémique sur "les villes 15 minutes" voulues par les technocrates qui nous gouvernent avec une première expérience à Oxford, ce livre nous réconcilie avec la maison pavillonnaire, son petit jardin avec terrasse, les barbecue entre voisins, les zones commerciales de la France moche et l'univers de la bagnole au diesel! En introduction, Clément Pétreault après avoir quitté Paris en 2019 parle avec humour de sa propre expérience lors de l'achat d'une maison ancienne en Normandie. Puis, dans les chapitres suivants apparaissent différents propriétaires de pavillons, chacun ayant un lien particulier à son habitat. C'est ainsi que la maison individuelle apparaît comme un objet de désir ou de détestation ou encore de déception selon les cas. Le livre recèle ça et là plusieurs chapitre sur la maison individuelle au cours des époques au travers de discours politiques, ainsi que d'expérience telle que la cité Castor de Pessac. L'ouvrage termine peut-être un peu succinctement à mon goût sur l’exode urbain amplifié par la crise sanitaire, avec tous les problèmes que cela implique pour la population locale pour se loger notamment sur la côte Atlantique. Clément Pétreault est journaliste au Point (Artémis), journal appartenant au milliardaire François Pinault. Cet essai est très agréable à lire, pas ennuyeux pour un sou.
Faire la guerre à la Mort, cela ne revient-il pas à sacrifier la vie? Après deux années de covidisme, Laurent Gounelle révèle ici avec un peu d'humour quelques secrets de la manipulation des masses. Le sujet n'est pas la pandémie, mais toute les techniques employées par les médias et les gouvernements depuis 2 ans, conduisant certaines personnes à porter un masque seule dans leur voiture. A travers une petite histoire romancée, vous croiserez dans le désordre Noam Chomsky, Edward Bernays, Klaus Schwab, la Reine des Neiges, Dani Rodrik... Promis, après avoir lu ce livre, vous n'aurez plus peur!
Connemara, c'est une quête de sens de deux personnages dans la France des sous-préfectures de 2017. Nicolas Mathieu nous offre les destins d'un garçon et d'une fille nés dans les années 80 dans des milieux modestes, de leurs années collège à leurs quarante ans. C'est au fil des pages que l'on fait connaissance de ces personnages avec de nombreux flashback, qui peu à peu expliquent leur vie brisée. Très ambitieuse, Hélène passera les étapes du collège à une grande école de commerce au prix d'un travail acharné. Adulte, elle intégrera des cabinets de conseils, et se fera une vie telle qu'on peut les voir dans les magazines papier glacé. Cette réussite sera toutefois nuancées dans un monde où l'on ne se fait pas de cadeaux et se soldera par un burn-out et une séparation à venir. Christophe, lui, fera ses armes dans l'équipe de hockey sur glace d’Épinal et sera vite la coqueluche des jeunes lycéennes. Mais les années de la jeunesse passées, il aura un parcours beaucoup plus modeste, pour occuper la place d'un représentant en croquettes pour chiens sur les routes de la région qui l'a vu naître.
Hélène et Christophe vont ainsi se croiser à différent moments de leur vie. Ce livre raconte sans manichéisme le décalage entre les gens ayant profité de la mondialisation, et celle de ceux qu'elle a laissé de côté. Le mots sont justes, Nicolas Mathieu pratiquant aussi bien ce novlang atroce que les mots simples que l'on s'échangent à un coin de rue d'un quelconque lotissement. Un livre aussi fort que 'Leurs enfants après eux'.
Quel regard porte David, 25 ans, sur la France des années 2020? Propriétaire d'un appartement 20m2 en banlieue Parisienne qui lui coûte plus de la moitié de son revenu, un emploi stable, un bon niveau d’études, quelques sorties entre copains, tout paraît lui sourire. Pourtant, après 2 mois enfermé lors du confinement lié au covid 19 en 2020, il choisit de tout plaquer pour faire une expérience de woofing dans le Cotentin. A la descente du train, il rencontrera Iris, une jeune fille du même âge venue elle aussi partager cette expérience, ainsi qu'Alex, la petite vingtaine, fils du propriétaire de la ferme qui les accueille. Ces trois jeunes ont à peu près le même âge, désenchantés de leur jeunesse, mais pour le reste, tout les oppose. Ainsi, au fil des pages sont abordés l'individualisme, le numérique et ses algorithmes délétères, la confrontation ville et campagne, Paris et province, la difficulté de trouver un emploi stable, le tout dans le contexte pandémique du covid 19. Pourtant, dans la deuxième partie du livre, un sujet va les coaliser : une mystérieuse pollution met à mal tout les êtres vivants de la ferme, jusqu'à l'anéantissement. Dans ce combat contre cet ennemi invisible, David Iris et Alex vont apprendre les uns des autres. La pollution abordée dans ce livre est plurielle : elle contamine l'air, le sol et les esprits. La peur parfois irrationnelle générée par une société devenue anxiogène, la méconnaissance, et le refus de la vérité de certains personnages encrés depuis si longtemps dans leurs habitudes sont largement abordés. Ce livre est une porte d'entrée pour qui souhaite comprendre ce que vivent les jeunes d'une vingtaine d'années dans cette décennie.
Un singe, des fêtes fastueuses dans une villa située en bord de mer à Biarritz dans les années 50, la cuisine d'un restaurant étoilé au XXIème siècle, un zèbre, le Paris des années folles, des hirondelles qui ne sont pas des oiseaux mais des jeunes femmes descendues au péril de leur vie des Pyrénées espagnoles... Ces décors sont reliés par des personnages haut en couleur des années 20 à nos jours, dans une histoire conjuguée au féminin. Il faudra chausser des espadrilles cousues main pour arpenter ces deux livres car ces demoiselles sont liées à l'apogée manufacturière de Mauléon-Lichare. Ces deux romans sont un concentré d'humanité sans exagération, juste ce qu'il faut.
Le Txato, un chef d'entreprise dans le transport routier, peu intéressé par la politique, est froidement assassiné un jour de pluie dans la rue d'un village du Guipúzcoa (région de Donostia - San Sebastián, Espagne). Au vue des nombreux avertissements peints un peu partout dans la commune, il ne fait aucun doute que le crime a été commandité par l'ETA (Euskadi Ta Askatasuna - Pays basque et liberté). Mais qui se cache derrière ces trois lettres? Que signifient-elles encore après des années combat? Patria réuni deux familles de ce même village, les aitas (les parents) et leurs enfants. Ce sont les mêmes évènements que chacun d'entre eux vivra à sa façon. C'est l'histoire d'une guerre intérieure, intérieure à Euskal Heria, et intérieure dans le cœur de chacun des personnages. Au delà des volontés de séparatisme d'ETA du pays basque de l'Espagne, c'est avant tout la division entre des gens ayant toujours vécu ensemble, chacun devant prendre parti de gré ou de force. Avec la plume talentueuse de Fernando Aramburu, on découvre au fil des pages chaque individu, souvent de façon anachronique, l'ensemble formant un tout. Simplement magnifique!
Pour aller plus loin
Le "Guerre et Paix" basque - France Culture
narbe.com 157 rue Grossolle
33210 Castets et Castillon